FORUM GAUCHE ECOLOGIE du pays des Herbiers

Jugeotte, une vache folle et l'encephalopathie spongiforme bovine ESB

Paul VIEILLE                                                                                                             février 2011

Le Deffend

85640 MOUCHAMPS

 

JUGEOTTE, UNE  VACHE FOLLE

ET L’ENCEPHALOPATHIE  SPONGIFORME  BOVINE   ESB

 

L’E.S.B. sur mon exploitation

 

         En Juin 2000, un cas de vache folle ou Encéphalopathie Spongiforme Bovine (E.S.B.), se déclare sur ma ferme.

            Avant l’abattage de la totalité du troupeau en début juillet, je réagis publiquement :

-          en refusant d’accepter d’être considéré comme responsable de l’apparition de cette maladie dans mon élevage,

-          en refusant d’assumer la responsabilité d’une possible contamination des consommateurs.

 

Mes amis, ma famille et mes copains de la Confédération Paysanne m’ont, dès cet instant, apporté un soutien extrêmement précieux.

 

Le collectif « Vérité E.S.B. » est créé à Angers, en janvier 2001. Ce collectif rassemble rapidement 150 éleveurs actifs-adhérents, parmi les 650 éleveurs touchés par l’E.S.B. que nous recenserons ces années-là.

Nous choisissons au préalable l’indépendance à l’égard des syndicats et des partis politiques, et l’indépendance financière.

Nous nous fixons les objectifs suivants :

-          défendre par tous les moyens, y compris l’action en justice, les intérêts matériels et moraux des éleveurs dont le cheptel a été atteint ou pourrait être atteint par l’E.S.B. ou sa variante correspondant  à un autre cheptel ;

-          permettre à ses membres de comprendre ce qu’est l’E.S.B. et pourquoi elle s’est disséminée, d’entreprendre des actions de communication et de négociation visant à ce que tout ce qui touche à la santé publique soit abordé avec la plus grande transparence ;

 

Nous rencontrons Mr ROMI, professeur de droit de la faculté de Nantes, pour faire le tour des procédures juridiques que nous pouvons engager collectivement et individuellement afin d’atteindre ces objectifs. Nous nous constituons, pour ce faire, en association loi de 1901 et en syndicat professionnel.

Le Dr THILLIER sera notre expert scientifique et nous sollicitons plusieurs avocats dans divers endroits de la France pour effectuer les recours administratifs. Ceux-ci visent à empêcher les abattages des troupeaux ou à réévaluer les indemnisations reçues après les abattages.

 

Dans le même temps, les connaissances de l’ESB le permettant alors, nous menons collectivement une procédure auprès du Conseil d’Etat contre la mesure sanitaire d’abattage total des troupeaux.

Aidés par les travaux de Maître BASCOULERGUE (à Nantes) et du Dr THILLIER, nous gagnons en Conseil d’Etat  fin 2002.

Ainsi entre en vigueur un abattage sélectif, aussi sécurisant que l’abattage total pour les consommateurs, plus respectueux de l’outil de travail des éleveurs et moins coûteux pour la collectivité.

Les syndicats professionnels, la Confédération Paysanne, mais aussi localement certains autres syndicats s’étaient progressivement mobilisés sur le sujet .

 

Toujours auprès du Conseil d’Etat nous présentons en décembre 2001 un recours contre l’Etat pour sa responsabilité dans le développement de l’ESB en France, l’Etat étant alors le propriétaire majoritaire de l’activité d’équarrissage (groupe ELF).à l’époque de la contamination alimentaire de nos animaux.

Démarche ni gagnée, ni perdue mais qui n’est pas suffisamment relancée pour être menée à son terme.

 

En mai 2006, nous organisons une formation auprès d’éleveurs caprins et ovins sur le thème « Le risque du passage de l’E.S.B. au cheptel ovin-caprin, conséquences, anticipations possibles »

 

Dans ces mêmes années, certains recours administratifs pour raison d’indemnisations insuffisantes sont effectués, le plus souvent sans succès.

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Le collectif a incité les éleveurs qui pouvaient le faire à entamer une procédure civile, un recours en responsabilité. Cependant, je ne suis pas sûr qu’un autre recours que le mien ait été mené jusqu’à son terme.

Peu d’éleveurs ont entamé une procédure et dans ce cas sous forme de plainte contre X, avec comme principale motivation la recherche de la cause de la maladie. En effet, beaucoup d’entre nous avaient, lors des faits, plusieurs fournisseurs ou plusieurs productions (en particulier des volailles et des porcs en plus des bovins). A l’époque, les aliments de ces productions hors-sol contenaient  des graisses et des farines animales. Les éleveurs étaient donc devant un travail complexe, voire impossible, que certains n’ont pas voulu engager.

D’autres éleveurs, également nombreux et pour certains démotivés ou marqués par cet épisode douloureux de leur vie professionnelle, ont préféré tourner la page.

 

 L’E.S.B. a touché 1045 élevages bovins à ce jour. Cela a entraîné l’abattage de plusieurs milliers d’animaux en France, causant des coûts économiques psychologiques et sociaux très importants.

La transmission de la maladie à l’homme a provoqué, à ce jour, la mort de 26 personnes (morts officielles). Principalement des personnes jeunes car le poison, le prion pathogène, ne peut être absorbé au niveau digestif que chez des consommateurs jeunes. Ces décès constituent des drames mais s’ils n’ont pas été plus nombreux, c’est que la viande (muscle) des bovins contaminés par l’E.S.B. n’était pas contaminante. Les abats à risque du bovin (cervelle, moelle épinière, etc.) contenant le prion, peu consommés par l’homme sauf comme liant dans certaines viandes hachées, ont été la source de la maladie chez des jeunes prédisposés. Nous avons donc nous tous, eu beaucoup de chance.

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L’E.S.B. sur mon exploitation et la mise en cause de la société Terrena

 

            Lorsque mon cheptel est abattu en 2000, je ne marchande pas l’indemnité versée par l’Etat pour le reconstruire. Cependant, j’annonce que, si elle devait s’avérer a posteriori insuffisante pour retrouver une situation financière identique, je me retournerais contre le responsable supposé de la contamination de mon animal.

 Dans l’urgence, en période de crise, un des rôles de l’Etat est d’aider les individus, les  acteurs économiques. C’est ce qu’il a fait en indemnisant les éleveurs pour qu’ils redémarrent. Cependant il n’est pas normal que la puissance publique continue de se substituer civilement aux acteurs économiques responsables. La collectivité ne peut pas toujours payer pour des fautes privées.

 

Quelques semaines après l’abattage du troupeau, en aout 2000, j’ai rencontré mon assureur , GROUPAMA,  pour évoquer le principe d’un possible recours au service juridique prévu dans mon contrat, sans savoir d’ailleurs encore quel type de procédure pourrait être envisagée.

Curieusement, quand en 2004, la plainte civile sera déposée contre Terrena, Groupama s’estimera prévenu trop tard et refusera de m’accompagner.

Curieusement, Groupama, dans d’autres régions, a, en revanche, accompagné les recours contre l’Etat…

 

Les deux exercices comptables qui ont suivi l’arrivée du nouveau troupeau ont attesté d’un préjudice financier cumulé supérieur à l’indemnité reçue. Le cabinet SERRE Conseil, Expert comptable, a été sollicité pour le prouver.

En analysant les médicaments vétérinaires ainsi que les symptômes et l’âge de la vache au moment des faits, le docteur THILLIER a pu prouver (dans des rapports scientifiques successifs) que l’origine de la maladie était alimentaire. Ainsi seuls les aliments vendus par Terrena étaient en cause.- Le Dr JL THILLIER  a, depuis cette expertise, été nommé  Expert unique au Pôle Santé du TGI de Paris pour sa compétence relative à l’ESB versus l’homme.

 

Je dépose plainte

 

Le cabinet FARO GOZLAN (à Paris) a élaboré la plainte civile déposée au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nantes, le 21 décembre 2004.

Le TGI, en première instance et par un arrêt du 12 février 2009, a considéré que je ne fournissais pas les éléments de preuve suffisants pour que Terrena soit considéré comme responsable. J’ai été débouté et condamné à verser 5000 euros à Terrena pour les dépens.

 

Je vais en appel, pourquoi ?

 

1    J’ai eu un préjudice économique réel même après l’indemnisation donnée par l’Etat.

2   Nous, les éleveurs, ne sommes pas le maillon responsable de l’ESB. Il nous importe que cela soit su. et que la chaîne de dysfonctionnement soit établie. Nous avons nos responsabilités à assumer, nos fournisseurs et nos clients aussi dans le processus complexe d’élaboration des produits alimentaires.

3  Nous tous, consommateurs, devons rester vigilants sur les informations que nous recevons :Nous avons considéré à tort que les farines animales étaient seules responsables des cas d’ESB .

L’épidémie anglaise de vache folle a été provoquée par la distribution aux animaux de grande quantité de protéines animales transformées les «  PAT » (issues des FOA : farines d’origine animale) L’apparition de nouveaux cas après leur interdiction a révélé la responsabilité des corps gras incorporés dans les aliments pour animaux jeunes.

Ce sont les corps gras issus de l’équarrissage et qui sont restés longtemps autorisés, qui sont à l’origine des contaminations des animaux en France. Pourtant, les connaissances scientifiques existaient pour réagir beaucoup plus tôt.

 

Ma vache « Jugeotte », née en septembre 1994, a été nourrie pendant sa première année d’élevage avec des aliments (lait en poudre et granulés d’élevages en plus du fourrage) qui étaient achetés à la Caval (Maine-et-Loire).

La Caval a fusionné avec la Cana (Loire atlantique) et Carc pour donner la société Terrena en 2003.

 

Cette procédure civile, est engagée contre la Caval : En 1994 1995, une des matières premières qu’elle incorporait dans ses aliments était contaminante.

 

Le cabinet FARO et GOZLAN a poursuivi son travail pour élaborer les mémoires d’Appel  et désigné Mr Gilbert MOUTHON  docteur vétérinaire, professeur à Maison Alfort et Expert agréé auprès de la COUR de CASSATION pour développer l’état récent des connaissances sur l’ESB. Ses conclusions ont renforcé la première expertise du Dr JL THILLIER

 

L’audience d’Appel a eu lieu à RENNES le 08 décembre 2010 ; l’arrêt a été prononcé le 9 février 2011.

 

                                                 Paul VIEILLE



31/03/2011
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